Amy Tan
chef de file de la littérature sino américaine

The Joy Luck Club, le premier roman d’Amy Tan, a connu un succès quasi immédiat. Ravie, elle se confie à sa mère. La réaction de celle-ci est caractéristique: "Ton livre est à la place quatre des meilleures ventes. Bien. Et qui est numéro 1 ?"

Amy Tan, née dans les années 50 de parents chinois règle ses comptes avec sa mère par le biais de la littérature. Son père et son frère aîné meurent accidentellement quand elle a quinze ans et elle est dès lors confrontée à une mère dépressive qui menace de se suicider si elle ne réussit pas. A la même époque, elle apprend que sa mère était mariée à un autre homme en Chine et qu’elle avait dû abandonner ses trois filles durant la guerre.

Or, dans son premier roman, Amy Tan présente quatre mères chinoises et leurs quatre filles dans 16 nouvelles différentes, multipliant ainsi les prises de vue sur la difficile relation mère fille. Du traumatisme de son adolescence naissent deux personnages antagonistes : Waverlong, l’une des 4 filles du roman, a été enfant surdouée, maître d’échec à 10 ans avant de renoncer, agacée par la fierté de sa mère qui la présentait partout comme un animal rare. A l’opposé, la mère de Jing-Mei rêve que sa fille sera la nouvelle Shirley Temple chinoise et sera déçue dans ses espérances lorsqu’elle obligera sa fille – qui prend des cours avec un professeur sourd – à donner un seul mais épouvantable concert. Le thème de l’abandon est également récurrent et fait l’objet d’une des nouvelles de Joy Luck Club qui relate une histoire assez semblable à celle qu’a connue la mère d’Amy Tan.

Ses romans ont tous des aspects autobiographiques et sont caractérisés par une grande incompréhension entre la mère et la fille. Incompréhension du langage tout d’abord, basée sur la barrière de la langue : la mère parle très mal anglais et la fille ne maîtrise pas le chinois, mais aussi dans les mœurs et la culture. Au delà de cet aspect personnel qui pourrait être répétitif, Amy Tan traite par ce biais du conflit des générations en général et du choc des cultures entre les parents immigrés et leurs enfants qui ne connaissent pas leur pays d’origine. Elevée dans la Chine traditionaliste d’avant-guerre, les valeurs de la mère d’Amy Tan qui reposent sur le respect des anciens et la soumission ne sont évidemment pas celles des immigrés de la deuxième génération.

D’autre part, sans jamais tomber dans le folklore asiatique, ses romans, The Hundred Secret Senses en particulier évoquent les superstitions et le mysticisme chinois :

"My sister Kwan believes she has yin eyes. She sees those who have died and now dwell in the world of Yin, ghosts who leave the mists just to visit her kitchen on Balboa Street in San Francisco ."

Cette forme de littérature qui mélange réalité et superstition, humour et angoisse, n’est pas sans rappeler la Maison des Esprits d’Isabelle Allende, saga familiale dans laquelle les esprits ne sont peut être que la représentation du subconscient. Sans jamais tomber dans la littérature fantastique, Amy Tan induit le doute dans nos esprits : Kwan voit-elle réellement des esprits ou est-elle seulement fantasque ? Le roman ne nous donne pas la solution mais par cette parabole montre l’importance de notre culture sur notre perception de la conscience (en Chine, les gens avec l’oeil yin sont apparemment très fréquents) et surtout la résurgence des traumatismes et secrets de famille, ce qui donne une dimension psychologique supplémentaire à ses romans.

Le style d’Amy Tan est clair et simple, humoristique et jamais pathétique, ses romans toujours faciles à lire. Le mélange de flashbacks, de contes et de mysticisme fait encore mieux ressortir le choc des cultures, faisant de l’auteur une des représentantes les plus populaires de littérature sino-américaine.

Amy Tan a désespérément tenté de devenir une Américaine modèle. Adolescente, elle s’est pincé le nez pour l’affiner et ressembler à une Californienne. Mariée à un avocat, couverte de prix depuis l’âge de 8 ans, ce sont ses romans qui lui permettent d’intégrer son héritage chinois, même s’ils font déjà partie des "classiques"américains (et en Chine ?).

Adulte, elle a couru chez le psychiatre pour assimiler son histoire familiale dramatique. Elle a cependant renoncé rapidement ; le médecin s’endormait toujours. Elle a donc commencé à écrire, et ses romans sont tout, sauf soporifiques. Finalement, si sa mère avait été "normale", son enfance aurait été heureuse et elle n’aurait rien à raconter. Ce qui serait bien dommage.

Celia

 

Romans publiés :
The Joy Luck Club (1989)
The Kitchen’s Gid Wife (1991)
The Moon Lady (1992)
The Hundred Secret Senses (1995)
The Bonesetter’s Daughter