Frédéric Fajardie
"John
Crow luttait pour sa vie. Epuisé, il avait le sentiment que plus il nageait,
plus le rivage s'éloignait.". Ainsi commence la première nouvelle
de Adieu Alice, Adieu Sweetheart de Frédéric H. Fajardie.
Début qui semble banal: naufrage, île déserte, Robinson,
etc... Histoire d'amour en prime. Et grosse surprise à la clé...
Ne laissez personne vous raconter la fin avant de l'avoir lu!
Chacune des vingt nouvelles de ce recueil comporte un petit
suspens, une fin ou un rebondissement inattendus. Après la première,
on ne lit plus les suivantes de la même manière: on s'attend au
pire. Bien sûr, c'est ça le principe de la nouvelle: quelques pages
pour raconter une histoire courte qui doit marquer les esprits. Fajardie y excelle.
Il n'y a pas que ça qui a fait que je suis sortie de
cette lecture rêveuse, absorbée par des pensées nostalgiques
et des réflexions sur la vie. Les protagonistes sont assez peu décrits
physiquement, mais on n'ignore rien de leur personnalité, de leur état
d'esprit ou de leurs émotions. Et c'est tout au long de la nouvelle que
ces informations sont parsemées: on ne sait plus où la personne
a été décrite, et on a l'impression de la connaître
depuis toujours.
Les sujets abordés font aussi beaucoup pour l'intérêt
du livre: amour, vieillesse, communisme, méchanceté, guerre, résistance,
humanité, politique, en vrac. Une richesse tout orientée toutefois:
Fajardie a des opinions politiques de gauche, extrême diront certains,
il ne s'en cache pas, milite pour plusieurs causes modernes et sept nouvelles
ont d'abord paru à titre militant dans des revues engagées.
Cela
donne un éclairage particulier à chaque thème, à
chaque texte. Un ton particulier aussi. Alors, forcément, cela ne peut
pas plaire à tout le monde... D'aucuns diront que c'est facile de donner
des leçons sur le passé (cf. un texte sur la deuxième guerre
mondiale), sur le présent aussi: il n'agit pas, il se contente de rester
dans son fauteuil et d'écrire.
Ce à quoi je répondrai tout d'abord que ce n'est
pas si facile de bien écrire sur de tels sujets: faire part de ses opinions
dans une nouvelle sans qu'elle en soit absorbée pour autant ne me paraît
pas chose évidente. Je trouve que Fajardie mêle l'histoire-fiction
et l'Histoire avec beaucoup d'habileté. Ensuite, écrire ce n'est
pas ne rien faire, cela peut changer une société, cela a même
été souvent considéré comme dangereux et l'est encore.
Enfin, il n'est pas scandaleux de donner une opinion claire et tranchée
sur des sujets épineux, au moins cela invite au débat, à
la réflexion, et donc à l'intelligence, dans une société
où l'ennemie publique numéro un est la polémique..
Sab