Cliché:
les jeunes de banlieue ne savent pas parler, mais qu'est-ce qu'ils tiennent
bien les murs! Il y a beaucoup de vrai, l'ennui c'est la généralisation.
Ceux qui sont comme ça, ce sont eux qu'on voit. Les autres, ceux qui
se comportent bien et veulent réussir - ce sont les plus nombreux - sont
chez eux, discrets. Azouz Begag a été de ces jeunes stigmatisés
par la société. Ecrivain et cinéaste Lyonnais (Le gone
du Chaâba), son sujet de prédilection est justement ces banlieues
dont tout le monde parle sans les connaître vraiment.
Trois garçons, une fille, 13 ans. Deux garçons
turbulents, vu de l'extérieur. Ils passent leurs soirées en haut
des escaliers de leur immeuble, à cracher, fumer, se disputer. Ils exaspèrent
les vieilles dames et le gardien de l'immeuble, leur font un peu peur aussi.
Ils ne sont pourtant pas dangereux: ils aiment jouer les fortes têtes,
se battre entre eux, mais n'ont jamais fait de mal à une mouche. Ils
sont là pour fuir le climat familial et social lourd qui pèse
sur leur jeunesse... Un jeu de provocation s'est installé, plus révélateur
d'un profond mal-être de part et d'autre que d'une réelle animosité
- tous veulent partir de la cité et réinventer leur vie.
Un troisième garçon, qui semble venir d'une autre
planète: bon élève à l'école, passionné
par les mots, écrivant un roman et surtout parlant exprès de manière
incompréhensible pour ses pairs. C'est lui le narrateur. Il fait partie
de la bande, plus en spectateur amusé et complice. Il sépare les
deux autres, essaie vainement de régler les faux conflits qui les opposent.
Il est plus réservé, plus respectueux, vraiment rêveur et
ailleurs, cela ne l'empêche pas de rester avec ses copains pour, lui aussi,
échapper à une vie qu'il rêve différente...De l'extérieur,
il correspond parfaitement au cliché, il faut regarder de plus près
pour s'apercevoir que la vérité en est loin.
Une fille. Pas
la langue dans sa poche. Bien en accord avec les autres, pas midinette pour
un sou, pas garçon manqué pour autant. Un peu rêveuse, pas
mièvre, amoureuse du plus teigneux, pleine de tendre amitié pour
le narrateur. Lui utilise cette complicité, jalouse son ami en secret.
L'histoire peut commencer. Une énigme est à résoudre, qui
les emmène en Australie, sans bouger de la cité.
Histoire de mots, d'écriture, de poésie, sur
fond de vieilles barres d'immeubles et de terrains vagues. Qui l'eût cru?
Pas grand monde, et pourtant elle aurait pu être vraie, l'est peut-être...
Azouz Begag est un magicien des mots et des situations. Il nous fait pénétrer
dans l'imaginaire d'un adolescent perturbé mais conscient de l'être.
Il nous fait ressentir les émotions de chaque personnage avec force,.
Il nous fait découvrir un monde qu'il connaît bien, fait petit
à petit tomber les vieux préjugés bien ancrés par
un bourrage de crâne médiatique intensif. Il nous ouvre l'esprit,
nous aère le cerveau, nous fait enfin réfléchir de manière
saine à un sujet trop souvent traité avec ignorance et mépris.
Merci Azouz.
Dis Oualla! est sorti en 1997 aux éditions
Fayard, il a été réédité en 2001, collection
Mille et une nuits.
Sab