Connaissez-vous
John Irving ? Avez-vous déjà été saisi de cette
jubilation qui vous entraîne de la première ligne du roman jusqu’à
la dernière page, pendant que l’eau de votre bain a depuis longtemps
noyé les voisins du dessous ?
Pour tous ceux qui n’aiment pas lire, prendre un de ses romans
en main constitue un véritable défi : 800 pages minimum,
des heures de lecture en perspective, mais quelle récompense à
la fin du parcours !
" Le monde selon Garp " a définitivement
porté John Irving aux sommets de la littérature américaine
contemporaine, en partie aussi grâce à l’adaptation cinématographique
qui en a été tirée, dans laquelle Robin Williams tenait
le rôle principal. L’histoire, résumée, serait plutôt
simple : la vie d’un homme, Garp (la provenance de ce nom étrange
vous sera révélée dans les premiers chapitres), avant sa
naissance et jusqu’à sa mort. Le scénario semble plutôt
linéaire: sa création, son enfance avec une mère " presque "
vierge, les affres du jeune écrivain, sa relation avec sa femme et ses
liaisons avec les baby-sitters...Mais sur cette souche sont développés
des thèmes plus généraux comme la recherche
de
l’identité, la violence, le deuil, et plus farfelus comme un ours dans
une pension viennoise ou des nouvelles inclus dans le roman. Sans grands effets
stylistiques et par la seule puissance de sa narration, dénuée
de l’expression de sentiments mais reposant toujours sur des actes, John Irving
nous entraîne du rire aux larmes sans jamais tomber dans le pathos.
Les éléments autobiographiques ne sont jamais
bannis de ses œuvres : le narrateur est ainsi souvent petit, s’appelle
parfois John, et est écrivain (écrivaine, comme dans " la
Veuve de papier ", auteur de scenarii minables dans " les
Enfants du Cirque ") et pratique la lutte. Mais la récurrence
de ces thèmes ne conduit jamais à une répétition
de l’oeuvre ; en fait, cette démarche n’est pas sans évoquer
celle des peintres de la Renaissance qui se représentaient au milieu
de la foule d’un tableau, personnages de troisième plan, mais bien présents.
A la lecture complète de l’oeuvre, on découvre aussi des parallèles
et antagonismes. Ainsi à la figure lumineuse de Roberta, le footballeur
transsexuel du " Monde selon Garp ", répond celle
du tueur en série, transsexuel aussi, des " Enfants du Cirque ".
Ces leitmotivs et ces parallèles, loin de déclencher la monotonie
chez le lecteur, créent une impression de familiarité avec l’auteur
qui n’empêche jamais l’effet de surprise et qui font qu’à chaque
lecture d’une de ses œuvres, on est persuadé d’avoir lu " le
meilleur Irving " . Jusqu’à ce que l’on passe au suivant.
Bref si vous souhaitez vivre des aventures quotidiennes extraordinaires
auprès de personnages ordinaires, si vous n’avez dans votre sac à
dos de place que pour un livre, prenez un Irving, ce sera le bon !
Célia