Michel à la plage...
Michel, fade
fonctionnaire d'une quarantaine d'années, subit tranquillement l'existence.
Lors d'un voyage en Thaïlande, il rencontre Valérie, ravissante
jeune fille tout aussi asociale que lui. C'est le début d'une improbable
histoire d'amour sur fond de tourisme sexuel. L'occasion aussi d'une nouvelle
variation sur des thèmes chers à Houellebecq, la misère
sexuelle, l'entreprise et son influence débilitante, l'inadaptation au
monde libéral,... Bref, la décadence de la civilisation occidentale...
Si les thèmes ne surprennent pas, on retrouve aussi
le style caractéristique de l'auteur, toujours sur la corde raide entre
deux extrêmes. D'une part une force d'évocation remarquable, qui
nous oblige à vivre pleinement le livre, nous contraint à s'identifier
au personnage, nous interdit le recul, une puissance qui rappelle Céline.
Et puis, contrepoints subtils, des moments de détachement complet, un
regard désenchanté sur le monde, une prise de distance brutale.
Enfin, un humour désabusé
qui tape parfois très fort, comme cette charge féroce contre
Le Guide du routard qui a entraîné une vive polémique
avec Philippe Gloaguen. Difficile cependant, malgré les outrances, de
ne pas reconnaître que Houellebecq vise juste dans sa critique du style
faux copain des célèbres guides, leur exploitation cynique d'un
mythe révolu depuis longtemps, et l'hypocrisie du tourisme prétendument
éthique.
Arrivé à mi-course, profitant d'un répit
dans l'immersion, on finit par remarquer que tout cela sent un peu la recette.
Un dandysme très à la mode, une critique de notre société
et de la mondialisation finalement bien dans l'air du temps, un saupoudrage
savant d'érotisme... Une fois détaché de l'attraction de
son écriture, on s'aperçoit qu'il nous raconte finalement ce qu'on
a envie d'entendre, et que ses trois romans sont finalement très, trop
proches, que tout ceci commence à prendre l'allure d'une série
à personnage récurrent, "Michel scientifique", "Michel informaticien",
"Michel en vacances". Bref, Michel s'enrichit et subventionne sa poésie
avec son roman de rentrée et une bonne dose de cynisme. Bien sûr,
comme un San Antonio ou un Patricia Cornwell, ça se lit d'une traite,
avec plaisir, mais il est dommage que Houellebecq ne mette pas sa puissance
d'évocation au service d'œuvres moins roublardes.
D'autant
plus que, cette fois-ci, l'ami Michel va loin dans la provocation. Si l'eugénisme
utopique des particules élémentaires pouvait faire sourire,
le glissement final de Plateforme, jouant de peurs très contemporaines
-terrorisme, violence urbaine- part dans des délires sécuritaristes
et racistes dénués de tout recul, quelque peu nauséabonds.
J'évoquais Céline tout à l'heure, il semblerait que je
ne sois pas le seul à voir une filiation entre les deux auteurs. Houellebecq
lui-même semble vouloir marcher dans ses pas, dans ses faux pas. Exilé
volontaire en Irlande, son Danemark à lui, il assume joyeusement (si
tant est que l'adjectif puisse convenir au personnage) les idées douteuses
de son héros, affirme "malicieusement" préférer Pétain
à De Gaulle, bref il fait tout pour devenir infréquentable. Et
pourrait bien finir par y parvenir.
Flop