On observe depuis
quelques années un renouveau du style dans les romans. On le voit chez
Kundera avec les romans essai tels que L'insoutenable légèreté
de l'être ou L'immortalité, mais aussi de manière
différente chez Bohringer où la trame n'est pas linéaire.
Amélie Nothomb fait pour moi partie de cette nouvelle
vague. Son écriture est d'abord remarquable par la maîtrise de
la langue. C'est une chose de savoir tourner des phrases comme on l'apprend
à l'école, c'en est une autre de pouvoir s'en détacher
pour trouver un style original. Car elle n'écrit pas de manière
classique. Ses phrases sont plutôt courtes, chaque mot choisi avec soin.
Il semble qu'elle joue avec la langue française avec une facilité
déconcertante. La construction de ses romans et les mises en abîme
fréquentes participent aussi à la particularité de cet
auteur. Ceci, me direz-vous, n'est pas plus original que ça dans la littérature
romanesque actuelle. Certes, mais il y a autre chose. La lumière et la
musique.
L'écriture
d'Amélie Nothomb est claire, limpide, presque au sens propre du terme.
Mais cela n'explique pas cette sensation de luminosité que j'ai ressenti
en lisant deux de ses livres (La mécanique des tubes et Stupeurs
et tremblements). Dans chacun, un des personnages est une femme d'une beauté
presque irréelle. C'est elle qui incarne la lumière ; à
chaque phrase qui parle d'elle, on se sent pris par la même magie que
l'auteur lorsqu'elle vivait les événements. Mais pas de lumière
sans ombre: dans les deux livres, on trouve un personnage noir. Puis au fur
et à mesure, les personnages se compliquent, la lumière devient
violente et l'ombre devient moins menaçante. Ce jeu entre clarté
et pénombre donne une dimension exceptionnelle et rare à ces deux
livres.
Deuxième aspect remarquable chez cet auteur, la musique.
Cela doit venir en partie du style, qui paraît assez proche du langage
parlé. Mais ne nous y trompons pas: ce n'est pas chez elle une faiblesse.
Je l'ai dit, son écriture est très fouillée et réfléchie.
Et si un style "parlé" est choisi, c'est peut-être à cause
des sonorités. Amélie Nothomb sait faire danser les mots comme
des notes sur une partition, leur donner une légèreté insoupçonnée.
On a alors l'impression, non pas de lire, mais d'écouter une histoire
à la manière des conteurs africains de la tradition orale.
Amélie Nothomb nous parle dans ces deux livres d'elle-même,
de son enfance ou de sa vie d'adulte passées au Japon; elle évoque
les japonais avec passion, horreur, admiration, parfois incompréhension
mais surtout amour, et on peut se laisser aller avec plaisir à une lecture
aussi facile d'accès qu'enrichissante.
Sab