Un nom qui évoque un univers mignonnet, ou Judy Garland taquine le lion peureux. Mais, Oz, la série TV de HBO (sur Série Club les Samedi soir), est bien loin de l'univers en Technicolor du film de Victor Fleming. C'est le surnom de la prison de haute sécurité d'Oswald, et, dès le générique, on comprend que la visite ne sera pas de tout repos. Le monde d'Oz est cru, violent, dramatiquement réaliste et terriblement beau. Ici, Dorothy est condamnée à mort, le magicien est corrompu, quand au lion peureux... Ca fait longtemps que son voisin de cellule l'a tué pour lui voler ses chaussures.

Vous l'aurez compris, Oz porte un regard sans complaisance sur l'univers carcéral. Loin des fantasmes et des tabous traditionnels du cinéma sur ce sujet, l'auteur, Tom Fontana, n'hésite pas à aborder de fronts des sujets sensibles comme la sexualité ou la religion des détenus sans fausse pudeur. Les prisonniers s'aiment parfois, se violent souvent, et la caméra nous restitue ces moments avec crudité, nous faisant ressentir mieux que n'importe quel Big Brother la perte d'intimité, la perte d'identité causées par l'enfermement.

La vie dans l'unité expérimentale d'Emerald City, cœur de l'action de la série, est basée sur une organisation tribale. Les mafiosi, les latinos, les aryens, les matons, ... s'opposent dans un ballet noir qui met en œuvre une immense galerie de personnages, nous offrant plus de dix "premiers rôles" et une bonne trentaine de personnages récurrents, tous remarquablement interprétés par un casting éclectique, allant de l'évadé de Beverly Hills Luke Perry au prestigieux metteur en scène de théâtre Terry Kiney, en passant par le basketteur Rick Fox. Cette richesse permet à l'auteur toutes les audaces scénaristiques, n'hésitant pas par exemple à sacrifier en un seul épisode plusieurs de ses "héros" pour mieux déstabiliser le spectateur.

La construction de la série est directement inspirée du drame classique, au point d'inclure un aède s'adressant au public, et exploite magnifiquement la règle des trois unités et du huis-clos théâtral pour nous exposer les dérives de la société américaine, faisant de chaque épisode un drame Shakespearien d'une rare intensité.

La qualité de la réalisation, régulièrement assurée par des pointures du cinéma indépendant new-yorkais comme Steve Buscemi (qui a par la suite réalisé un film sur le thème des prisons, Animal Factory), donne encore du relief à cette série claustrophobique et permet de mettre l'exceptionnelle violence des images au service de l'histoire.

Cette série hors-norme mériterait mieux que la confidentialité à laquelle son absence de concessions la condamne. En attendant une hypothétique sortie en vidéo, je ne saurais trop vous conseiller de faire le siège de vos amis câblés pour découvrir la seule série véritablement adulte du PAF

Sab