La version chinoise
de la mouche tsé-tsé
On se dit "c'est
du Besson, c'est du bon !", et on a tort...
D'abord,
parce que Luc n'en est que le producteur - eh oui, comme le commun
des mortels, Monsieur Besson doit faire du blé pour payer
ses impôts – et pas le réalisateur. Le scénario,
à la base pas inintéressant pour un film d'action,
nous laisse sur notre faim tout en nous gavant de clichés
tous aussi "mortels" les uns que les autres, d’où un arrière-goût
de déjà-vu pour un plat qu'on nous resservirait pour
la énième fois, mais froid.
Revue de détail : le Chinois au calme olympien-zen que
rien de dérange (comme Jean Reno dans Léon, mais en plus
petit et en bridé des yeux !), dont la mèche reste impeccablement
lissée sur la tête même après avoir éradiqué
dix gugusses dans la cuisine d'un grand hôtel parisien (tiens ! on se
croirait dans Nikita !); à la bouche crispée, figée,
dont on ne sait s’il sourit ou s’il est constipé; les gros plans sur
un regard qui en dit long ("bande de petits vermisseaux décomposés
! Kiaï ! Otez-vous de ma vue !")... le flic
plus ripou que ripou, Tcheky Karyo glacial, excité de la gâchette
qui trucide la moitié de Paris sans être inquiété,
au nez et à la barbe des Ministères (tiens ! comme Gary Oldman
dans Léon !), des giclées d'hémoglobine à
tout va, un corps coupé en deux par une explosion (la scène du
conduit dans Léon...), un Paris glauque à souhait, des
putes tabassées par leur mac. Que quelqu'un m'explique à quoi
sert réellement le personnage de Bridget Fonda dans ce film !! Inexistante
et caricaturale, involontairement drôle...
Ajoutez
à tout ça un zeste de bons sentiments bien dégoulinants
(sauver la fillette, la pute inévitablement mère célibataire
de la fillette à sauver des griffes du méchant flic,
le Chinois respectueux des traditions envers ses aînés
défunts...), une bande son
pseudo-"Serraesque" (dommage d'ailleurs), et des dialogues creux.
Et surtout, une violence navrante, à en être écœuré.
Il y a des films où la violence, bien que dérangeante,
se justifie tant par l'histoire que par la psychologie des personnages
(trop d'exemples !) ou alors devient carrément du second
degré. mais là, on cherche... et on est au bord de
la nausée. On sent surtout un film qui se veut dans le soi-disant
"air du temps" urbain, mais qui est en fait ouvertement destiné
à un public américain aux goûts si loin des
nôtres.
Pourtant,
malgré l'inconsistance et l'invraisemblance du scénario,
quelques scènes de combat presque époustouflantes,
et deux-trois traits d'humour nous tirent quand même un sourire
pas trop jaune: notre ami Jet Li est un as de l'acupuncture, et
porte un bracelet hyper-fashion fait de ses aiguilles, et selon
où et comment il les plante dans le gras du bras ou du cou,
on est sauvé ou on est mort (la scène finale, quoique
limite gore, ne manque pas d'originalité). Il est aussi très
doué dans la maîtrise des arts martiaux, et d'une souplesse
du pied tout à fait singulière pour tuer son ennemi
d'une boule de billard saisie en reprise de volée digne des
Bleus de la Coupe de 98...
En bref, dans
ce film où l'on voit peu la lumière du jour, on n'est pas là
pour rire. Je ne pense même pas qu'il s'adresse aux vrais amateurs d'arts
martiaux, car même si les combats sont assez réalistes et - il
faut le souligner - sans effets spéciaux à la Matrix, les
connaisseurs retiendront certainement plutôt des références
comme Il était une fois en Chine ou Fist of Legend, où
tout l'art et la maîtrise de Jet li sont beaucoup mieux mis en valeur.
Il
en reste un film d'action, sans temps mort, dont l’histoire qui
tient en deux lignes et les dialogues monosyllabiques ne nous laisseront
pas un souvenir impérissable.
Claire