Pleased
to meet you
Inconnu en France, où sa maigre notoriété
tient surtout à sa longue (cinq albums) collaboration avec Eno, James,
icône de la scène pop de Manchester depuis près de vingt
ans, est un abonné des charts anglais. Leur carrière a cependant
connu des hauts et des bas, alternant albums intimistes et pensums labellisés
" Stadium Rock ". Enfin, James est surtout
connu pour constituer un cas fascinant de Zooropisme. Cette affection, pas si
rare dans la pop anglaise, se caractérise par une jalousie caractérisée
à l’encontre de U2, qui conduit de nombreux groupes pourtant sympathiques
et même, des fois, talentueux, à faire des pactes faustiens avec
leurs maisons de disques, renonçant à toute indépendance
pour l’espoir de devenir califes à la place des califes et de, enfin,
faire leur double platine à eux rien qu’à eux.
Dans
le cas de James, leur volonté de concurrencer les maîtres incontestés
de la pop a souvent confiné au ridicule par son côté obsessionnel,
voire carrément fétichiste comme l’hilarante période où
ils s’étaient lancés dans un concours de sosies façon OK
Podium, rachetant les vêtements de U2 au magasin de costumes en bas
de la rue, l’un portant les lunettes de Bono, l’autre le Stetson de Edge, pendant
que le troisième essayait un débardeur de Larry Mullen et que
les autres tiraient à la courte paille pour déterminer qui devrait
assumer l’ignoble coloration jaune pisseux d’Adam Clayton.
Avec Pleased To Meet You, James semble enfin décidé
à abandonner ce suivisme forcené, assez pitoyable pour des quadragénaires
sortant leur onzième album. Esthétique minimaliste, communication
"anonymisante" inspirée de la techno, présentant le groupe comme
un poly instrumentiste mystérieux nommé James - la bio officielle
est particulièrement savoureuse à cet égard, entre fausses
citations et infirmations de la "rumeur" selon laquelle James "serait" un groupe
et non un individu - semblent indiquer que le temps de la mégalomanie
est dépassé.
La longue intro planante de "Space" vient renforcer ce sentiment,
et puis, et puis, arrivent la guitare et la batterie, et on se dit que la voie
vers la guérison sera encore longue pour James. D'autant que le morceau
suivant, "Falling Down", donne la bizarre sensation d'écouter un Mégamix
U2. On reconnaît pêle-mêle, la rythmique batterie de "Miami",
le riff de "Pride", le break filtré de "Discothèque", la basse
ronde de Pop, la lead rappelle celle de "Do You Feel Loved", les effets
voix ceux de "Last Night On Earth", le solo évoque les ambiances d'Achtung
Baby, bref c'est un véritable catalogue, certes pas désagréable,
avec une mélodie "catchy" juste ce qu'il faut, mais à ce moment
du disque, plutôt que d'écouter des faces B de U2 on est tenté
de jeter le CD pour se réécouter Zooropa.
Puis arrive "Junkie", remarquable morceau à l'ambiance
moite et pesante, lorgnant intelligemment sur le trip-hop où perce, enfin,
un talent d'écriture, une personnalité affirmée (même
si les persifleurs identifieront une reprise à la guitare sèche
qui rappelle fort celle de "Staring At The Sun") dans cette lente et malsaine
progression vers un final apocalyptique. Le travail de production, même
s'il est toujours dans l'univers U2, Eno oblige, est remarquable, offrant plus
que le bête décalque entendu jusqu'ici pour enfin apporter un vrai
plus à une musique qui semble, enfin, être celle de James.
La suite de l'album continue d'osciller ainsi entre des morceaux
intéressants, comme l'éponyme "Pleased To Meet You" ou le dansant
"Fine", et des décalques efficaces mais pesants de banalité de
U2 voire parfois, Dieu me préserve, des Simple Minds de l'époque
héroïque comme le single "Getting Away With it", longue progression
années 80, rythmique en avant et refrains simplets conçus pour
être repris en chœur par le public, "Stadium Rock" à l'état
pur, brillamment exécuté certes, mais déjà si ringard
il y a dix ans...
Etrange
album que ce schizophrénique Pleased To Meet You, étrange
groupe/personnage que ce James qui n'arrive toujours pas à savoir, après
vingt ans de carrière, s'il veut être Paul Weller, Bono ou Rod
Stewart.
C'est d'autant plus regrettable que c'est lorsqu'ils abandonnent
la révérence et le plan marketing, pour se contenter de jouer
sur les références et se contentent d'être James qu'ils
sont, et de loin, les plus convaincants. Reste un disque à la fois agréable
et majoritairement vain, mais qui convient tout à fait pour patienter
en attendant le prochain bon disque de U2.
Flop