Musique contemporaine... Certains disent même musique
classique contemporaine... Voilà qui fait peur. A tort, bien sûr.
On pense tout de suite à Boulez ou Varez, des sortes de bruits (souvent
identifiables à une chasse d'eau, un klaxon ou des bruits de pneus...)
accolés les uns aux autres, sans logique apparente. Pas de la musique,
quoi. Le problème avec ce genre de réflexion, c'est qu' on n'écoute,
lit ou fait pas grand chose.
Le Grame (centre national de création musicale) favorise
la création musicale, la diffusion des oeuvres et la recherche. Il est
associé à l'ensemble orchestral contemporain (EOC), qui jouera
cette saison 16 créations mondiales. Le premier concert a eu lieu vendredi
28 septembre à la chapelle de la trinité et s'intitulait "les
imaginaires sonores". Quel beau titre, plein de promesses. Quatre oeuvres y
étaient jouée,dont deux créations françaises et
trois des compositeurs étaient présents. Il s'agit d'un concert
orchestral, c'est-à-dire avec de vrais instruments: violons, altos, violoncelles,
cuivres, percussions, harpe...
Le concert commence avec Jeux de deuil, une création
de Frédéric Pattar, compositeur dijonnais de 32 ans. C'est le
premier mouvement d'un concerto pour harpe, Ester Davoust en est la soliste.
Cela débute tout en douceur, dans une ambiance un peu noire, avec une
utilisation des instruments originale: les cordes et les percussions sont frotées,
les cuivre soufflent à peine. Les sons ne sortent pas, ils sont suggérés
et seules les harmoniques se dégagent. On est alors bercé par
les émotions que cela suscite, de l'angoisse à la joie. Puis les
frottements s'intensifient, les sons sont de plus en plus nets, on est comme
transporté par une vague de sensations. La force de la musique prend
le dessus, on n'est plus maître de soi-même. Enfin, on revient à
plus de calme, le morceau se termine et on reste sur un nuage, il faudra attendre
pour avoir la suite.
La deuxième composition nous vient du Canada, avec Goeff
Holbrook et Faith in gravity. Ici, la musique est plus mélodique, les
instruments sont utilisés de manière classique. Les accords sont
dissonants, ce qui n'est pas une invention, et donne un peu l'impression d'être
l'oeuvre d'un étudiant sérieux. On ne se sent pas transporté,
tout ça reste un peu trop classique, pour une oeuvre contemporaine bien
sûr. Des mélomanes avertis y trouveront sûrement leur compte,
mais pour les profanes, tout cela manque pas mal d'émotion. Il faut dire
que le compositeur n'a que 23 ans...
Vient ensuite une oeuvre très intellectuelle: sur le
programme, son explication prend plus de la moitié de la place réservée
aux quatre compositions! Il s'agit de Lys passion, une commande d'état
de Jérôme Dorival et Yann Orlarey. On suppose donc que seuls les
initiés pourront apprécier. Et en effet, à part le fait
que cette oeuvre a été composée à deux et que c'est
assez rare, on se sent démuni: des procédés très
compliqués ont été utilisés pour la composition,
auquels on ne comprend rien et qui, du point de vue du premier venu, n'apporte
pas grand chose. Cela fait partie de la musique contemporaine qui n'est pas
destinée à donner du plaisir, mais à avancer dans la recherche.
Passons donc, non car c'est inintéressant, mais parce que c'est trop
difficile à analyser.
Dernière composition, Solar de Kaija Saariaho. Pièce
plus intéressante pour l'oreille que les deux précédente,
elle nous transporte dans son univers tout particulier. Les notes tournent,
virevoltent, on se sent comme transporté dans l'espace. Le but du compositeur,
nous faire sentir l'univers, est atteint. Les moments doux et violents sont
alternés avec rapidité, ne nous laissent pas le temps de souffler.
Les instruments sont utilisés au maximum de leurs capacités, tel
le piano qui va du grave à l'aigu, des sons doux aux plus métalliques.
On retrouve une musique riche en émotions et on sort du concert avec
une impression de pleinitude.
Voici ce que la musique contemporaine peut apporter: des sensations,
des sons nouveaux, une utilisation des instruments riche et experte. Ne croyez
plus que c'est ennuyeux: il n'y a pas que la branche intellectuelle qui est
plus intéressée par la recherche que par le don d'émotions.
Il y a ces compositeurs qui ont des choses à dire, des choses complexes
qui ne peuvent passer que par une composition élaborée. Pour prendre
du plaisir, brut, violent, on n'est pas obligé de comprendre tous les
rouages des oeuvres: il suffit de se laisser porter. L'idéal pour cela
étant les concerts, les disques ne permettant pas de ressentir la musique
de la même manière. Quoiqu'il en soit, L'ensemble orchestral contemporain
vous propose toute une saison d'expériences musicales, avec des créateurs
et des musiciens riches, alors profitez-en!
Sab